Mon cheval tourne en rond, que faire?
Le cheval, comme tous les animaux domestiques, peut présenter des stéréotypies, des « tics ». Ces stéréotypies reflètent un mal être chez l’animal : les effectuer lui permet de s’apaiser (de la même manière qu’un humain peut « gigoter » sur sa chaise avant un examen ou un entretien important) par la libération d’hormones apaisantes. Il en existe de plusieurs types : les plus connues sont les stéréotypies orales et locomotrices.
Les stéréotypies locomotrices en bref
Les stéréotypies locomotrices chez le cheval sont le tic à l’ours, la déambulation et l’arpentage. Le tic à l’ours consiste à se balancer inlassablement d’un antérieur sur l’autre. La déambulation et l’arpentage consistent à décrire à répétition un même tracé dans un box ou dans un pré.
Origines
Les stéréotypies sont le résultat de la domestication : aucun cheval sauvage n’a jamais été observé en effectuant des stéréotypies quelles qu’elles soient.
Elles résultent d’un environnement inadapté à l’expression des comportements naturels du cheval.
Les stéréotypies locomotrices :
- sont déclenchées par une forte excitation,
- peuvent refléter le conflit entre la pulsion interne du mouvement et l’impossibilité de se déplacer du fait des conditions externes,
- mais aussi traduire la frustration de ne pas pouvoir rejoindre un congénère.
Conséquences
Les stéréotypies locomotrices peuvent créer des dommages articulaires et musculaires voire une usure asymétrique des sabots. Dans le cas de déambulation, si le cheval tourne en rond dans le même sens en permanence, sa colonne vertébrale subit une flexion anormale constante. Le tic à l’ours quant à lui fatigue prématurément les antérieurs et peut causer des lésions dermiques de frottement.
Les chevaux les plus concernés
Les chevaux concernés sont tous ceux qui ont des conditions de vie qui ne leur sont pas adaptés. Leur sensibilité personnelle peut faire que les stéréotypies s’expriment plus ou moins tard, et selon des formes différentes.
Les chevaux de course sont davantage concernés par les stéréotypies locomotrices (5%) que les chevaux de centre équestre (0.5%), probablement du fait de leurs conditions de détention et de travail relativement standardisées. Par ailleurs les arabes sont plus susceptibles d’être touchés par les tics de déambulation (peut être d’un besoin de mouvement supérieur à d’autres races).
Diminuer leur apparition
Dans les stéréotypies locomotrices, le contact social a une importance capitale : lorsqu’un cheval a la possibilité d’entrer en contact avec ses voisins de box, le tic à l’ours disparait, ou diminue. De même, une jument reproductrice détenue en box avec son poulain présentera moins de stéréotypies locomotrices (11%) que celles détenues sans leur poulain (45%).
Etant donné que le tic à l’ours est lié à une excitation, le plus grand fractionnement de la distribution de concentrés a plutôt pour effet d’augmenter les épisodes de stéréotypies locomotrices (contrairement aux stéréotypies orales).
Tout comme les stéréotypies orales, une fois la stéréotypie locomotrice installée, il est difficile de la faire partir, notamment du fait que le cheval peut l’avoir intégré dans son répertoire comportemental normal : ce pourquoi on dit que les stéréotypies sont le reflet d’un mal être présent ou passé.
…et chez les autres espèces ?
Les chevaux ne sont bien sûr pas les seuls animaux concernés par les stéréotypies : les carnivores sont les animaux qui manifestent le plus de stéréotypies locomotrices en captivité, et plus particulièrement les ours, qui peuvent passer 77% de leur temps à stéréotyper !
Il est très intéressant de constater que, tout comme pour le cheval, les stéréotypies sont dues à non-respect des besoins des animaux et à leur impossibilité d’exprimer un comportement naturel :
Besoin d’espace
- Les espèces captives qui vivent dans de grands espaces au naturel ont une prédisposition aux stéréotypies locomotrices,
- Chez le fennec, l’augmentation de la taille de l’enclos réduit le nombre de stéréotypies locomotrices, à l’inverse chez le vison le nombre de stéréotypies locomotrices est augmenté (davantage de place pour les réaliser),
Besoin d’exercice
- Les espèces qui à l’état naturel parcourent une grande distance en période de reproduction réaliseront plus de stéréotypies locomotrices pendant cette période,
- L’ours en liberté commence sa journée par une activité locomotrice accrue, l’ours en captivité réalisera plus de stéréotypies locomotrices au début de sa journée,
Besoin de stimulations
- Les espèces captives qui sont très actives dans leur milieu naturel, notamment pour l’exploration, la chasse et la recherche de nourriture, ont une prédisposition aux stéréotypies locomotrices,
Importance de l’alimentation
- Les stéréotypies locomotrices apparaissent souvent juste avant la distribution ou la préparation des repas,
- Chez les chats léopards, cacher de la nourriture à différents endroits de l’enclos permets de réduite les stéréotypies locomotrices,
Importance de la vie sociale
- Le désir de s’approcher des congénères sans le pouvoir augmente les stéréotypies locomotrices,
- La proximité non désirée avec des congénères peut stimuler le désir de fuite et augmenter les stéréotypies locomotrices,
- Les chiens viverrins réalisent moins de stéréotypies locomotrices lorsqu’ils sont détenus en groupe de 6 plutôt qu’à 2,
- L’ours noir américain réalise moins de stéréotypies locomotrices si on place dans son enclos des odeurs de male et de femelle,
- Les signes séparés de leur mère avant leurs 6 mois développent une stéréotypie locomotrice au bout de 24 à 48 heures,
Stress lié à la présence de l’homme
- Le stress lors de l’entretien des enclos ou de la présence des visiteurs peut augmenter les stéréotypies locomotrices,
- Chez les macaques rhésus, les manipulations fréquentes vont augmenter le risque de stéréotypie locomotrice,
Découvertes surprenantes
- Les rongeurs de laboratoire effectuent moins de stéréotypies locomotrices si on les expose à une odeur de lavande,
- Les chimpanzés réalisent moins de stéréotypies locomotrices lorsque leur enclos est éclairé avec une lumière verte plutôt que rouge.
La meilleure prévention et le meilleur traitement des stéréotypies reste l’adaptation des conditions de vie de l’animal, en adéquation avec les besoins de son espèce.
Sources :
- Institut Français du Cheval et de l’Equitation. (2016). Suite du tour d’horizon…sur les stéréotypies chez le cheval. Tiré de https://comportementbienetreifce.wordpress.com/2016/04/07/suite-du-tour-dhorizon-sur-les-stereotypies-chez-le-cheval/
- Luquet, J. (2013). Contribution à l’étude du bien-être animal en milieu hospitalier : application aux carnivores domestiques et aux chevaux. (Thèse de doctorat, Vet Agro Sup Lyon, Lyon, France). Tiré de www2.vetagro-sup.fr/bib/fondoc/th_sout/dl.php?file=2013lyon027.pdf
- Wenisch, E. (2012). Les stéréotypies des animaux élevés en captivité : étude bibliographique. (Thèse de doctorat, Ecole nationale vétérinaire de Toulouse, Toulouse, France). Tiré de http://oatao.univ-toulouse.fr/8567/1/Wenisch_8567.pdf
- Zeitler-Feicht, M. H. (2012). Manuel du comportement du cheval (C. Lelong, trad.). France : Ulmer.