oeil de cheval
Relation Homme-cheval

Le cheval : bête ou intelligent ?

Il nous arrive de catégoriser les animaux en fonction de leur intelligence (inférieure à la nôtre, cela va de soi), l’intelligence du cheval alimente parfois des conversations enflammées au sein des écuries…Mais qu’est-ce que l’intelligence exactement ? Le cheval en est-il doté ?

Une question pas si évidente

L’intelligence peut être définie comme la « capacité à répondre avec flexibilité aux situations nouvelles ou complexes ».

Par exemple, un humain perdu en plein New York, est capable de trouver facilement le fast food le plus proche (surtout s’il a un smartphone), ce qu’une fourmi ne peut assurément pas faire : l’humain est plus intelligent que la fourmi.

Autre exemple, un humain est perdu au milieu du Sahara (sans son smartphone cette fois), on peut supposer qu’il ne tiendra pas très longtemps, entre les dunes qui bougent sans arrêt et le manque d’eau. Dans le même cas la fourmi va survivre, et même vivre, sans aucun problème, trouver de l’eau et à manger…la fourmi est elle plus intelligente que l’humain ?

Par cet exemple je voulais montrer que l’intelligence n’est pas un concept si évident qu’il y parait, et que notre interprétation a tendance à évoluer selon si elle est à notre avantage ou pas (thème qui fait l’objet de nombreux livres, difficile à couvrir sur un article de blog, mais qu’il faut toutefois garder à l’esprit).

La mesure de cette fameuse intelligence

Certains chercheurs préfèrent le terme de « capacités cognitives », terme qui regroupe toutes les capacités d’un animal (dont l’être humain) dans différentes sphères : spatiale, sociale, mémorielle…(cf. la fourmi ci-dessus!)

En effet, une composante fondamentale, dans l’évaluation des capacités cognitives des espèces, est leur propre monde sensoriel, leur perception du monde (que le biologiste Jakob von Uexküll appelle « Umwelt », terme généralement connu de ceux qui se sont un jour intéressés à l’éthologie). Nous pouvons tenter d’imaginer l’Umwelt des espèces qui nous intéressent, mais nous ne ressentirons jamais ce que cela fait d’être un cheval ou tout autre animal : c’est évident, mais c’est quelque chose qui peut biaiser nos idées, ou des résultats de recherches scientifiques.

Par exemple, une étude a été faite pour vérifier si les éléphants (réputés « intelligents ») étaient capables d’utiliser un outil (capacité réputée l’apanage des espèces dites «  supérieures » ).

Les scientifiques ont placé devant leur cage une banane, et un bâton (de la bonne longueur) à leur portée, pour voir s’ils l’utilisaient pour attraper la banane. Les éléphants se servent sans arrêt de leur trompe pour attraper de petites choses, ils étaient donc techniquement capables d’attraper ce bâton. Les éléphants ont pourtant lamentablement échoué, et n’étaient visiblement pas capables d’utiliser un objet.

Quelques années plus tard, les scientifiques ont pendu des fruits dans les arbres du parc d’un éléphant et lui ont donné des bâtons, mais aussi une grosse caisse très solide. Il ne s’est toujours pas servi des bâtons (parce que leur trompe est aussi leur nez, et qu’il est bouché par le bâton quand ils l’attrapent : ils ne peuvent plus sentir la nourriture). En revanche il a poussé la caisse jusqu’à la mettre sous les fruits, est grimpé dessus, et les a mangés…l’expérience a été reproduite en mettant la caisse hors de sa vue, il est allé la chercher pour la positionner comme il fallait : les éléphants sont effectivement capables de se servir d’outils, encore faut-il que ce soient les bons !

Pour résumer, ce n’est pas parce que quelque chose n’est pas prouvé qu’il n’est pas vrai : peut être que le test n’est pas adapté à l’Umwelt de l’espèce…

Les étonnantes capacités cognitives du cheval

En en attendant de nouvelles, voici une sélection de quelques (in)capacités cognitives du cheval qui ont été démontrées :

La permanence de l’objet

Lorsqu’ils doivent retrouver une récompense cachée sous un gobelet retourné (parmi d’autres), les chevaux sont capables de retrouver la récompense dans le gobelet lorsqu’elle a été cachée devant eux, mais aussi lorsqu’elle a été cachée 3 fois dans le même gobelet et qu’elle est tout à coup cachée dans un autre gobelet.

En revanche, si la récompense est cachée dans un gobelet et que celui-ci est ensuite déplacé, les chevaux ne sont pas capables de reconstruire mentalement le trajet effectué par sa récompense.

Choix du chemin le plus court

Lorsqu’ils doivent atteindre un but (récompense), les chevaux sont capables de choisir le chemin le plus court et le plus direct (angle entre le départ et le but) pour y parvenir, que le but soit visible ou non. Si les chemins sont de longueurs égales, c’est le plus direct (avec le moins d’angle) qui sera choisi.

En revanche si le chemin le plus court est le moins direct (et le plus long le plus direct), avec un but invisible : le chemin le plus court est choisi. Avec un but visible : le cheval est en situation de conflit et n’arrive pas à choisir de chemin (focalisation sur le but).

La création de catégories

Deux chevaux ont été entrainés à choisir des figures ajourées plutôt que pleines. Ils ont ensuite été soumis à d’autres figures de taille et d’orientation différente, et ont choisi plus souvent les figures ajourées, semblant montrer qu’ils avaient pu généraliser le concept d’ajouré.  

Par ailleurs, les chevaux sont capables de discriminer les objets selon leur taille (« plus petit que » ou « plus grand que »), entre des stimulus de même forme mais de couleur et de taille différentes, en 2 et en 3 dimensions.

La représentation des quantités

Enfin, concernant la représentation des quantités, les chevaux qui voient 2 pommes déposées dans un récipient et 3 pommes déposées dans un autre choisiront spontanément le récipient qui contient les 3 pommes. Des limitations de représentations numériques apparaissent toutefois lorsqu’on essaie de leur faire discriminer des récipients avec respectivement 4 et 6 pommes.

Vous l’aurez compris, il n’y aura pas de réponse à la question « mon cheval est-il bête ou pas » : si intelligence signifie survivre depuis des millions d’années, entouré de prédateurs, puis réussir à s’adapter à une vie dans un 3×3 sans congénères, oui assurément, le cheval est un génie…cela dit il est vrai qu’il ne sait pas se servir d’une calculatrice!


Sources