Veut-il vraiment sa couverture ? Posez-lui la question !
Dans cet article je vous expliquais la manière dont le cheval résiste au froid, et à quel moment on peut supposer qu’il n’y arrive plus, en fonction des données scientifiques dont on dispose actuellement sur les chevaux. Problème : chaque individu est unique, et peut être que votre cheval est un grand frileux, ou qu’il a tout le temps chaud ! Aussi, pour savoir s’il a froid, s’il veut sa couverture…pourquoi ne pas, tout simplement, lui poser la question ?
C’est ce qu’a fait une équipe de chercheurs Norvégiens, en apprenant à 23 chevaux à exprimer leur souhait d’être couvert ou pas. Présentation de cette (génialissime !) méthode tout à fait reproductible avec vos équidés.
Cadre de l’apprentissage
En premier lieu il faut expliquer au cheval les possibilités qui s’offrent à lui, et comment il peut les exprimer.
On lui présente des panneaux sur lesquels il y a les symboles suivants :
- Le trait horizontal signifie « mettre une couverture »
- Le panneau vide signifie « ne rien changer » (soit « rester sans couverture » ou « garder la couverture »)
- Le trait vertical signifie « enlever la couverture »
L’entrainement est fait exclusivement en renforcement positif, rythmé en fonction de la vitesse d’apprentissage des chevaux :
- 5 à 7 jours par semaine
- 2 à 3 sessions de 5 minutes par jour
- 2 à 3 répétitions dans chaque session
Au bout de 14 jours, 100% des 23 chevaux avaient appris correctement le langage !
Concrètement
L’apprentissage se fait en plusieurs étapes, quand l’une est parfaitement acquise on passe à la suivante (on considère qu’une acquisition parfaite = 8 répétitions sans hésitations et sans erreur). Le cheval est renforcé positivement (clicker + friandise) dès qu’il tend à effectuer le bonne action, l’exigence augmente progressivement.
- Le cheval est mis face aux symboles : il reçoit une récompense dès qu’il en touche un (peu importe lequel).
- On éloigne un peu le cheval des symboles (5 mètres), qui doit donc marcher pour aller toucher les symboles (et être récompensé).
A noter que certains comportements non souhaités peuvent se produire, comme manger les panneaux, taper dedans ou autre pour espérer avoir davantage de friandises : il suffit de les ignorer, ils s’éteindront d’eux même.
On passe maintenant à la discrimination des symboles « mettre une couverture » et « enlever la couverture ».
- On ne présente que le symbole « mettre une couverture » au cheval (qui n’est pas couvert) : s’il touche le symbole il est récompensé, et on lui met la couverture (on peut s’aider en faisant ça au moment de la journée où il fait le plus froid).
- On ne présente que le symbole « enlever la couverture » au cheval (qui est couvert) : s’il touche le symbole il est récompensé, et on lui enlève la couverture (on peut s’aider en faisant ça au moment de la journée où il fait le plus chaud)
- Ensuite, on va lui présenter les 2 symboles. S’il est couvert : on le récompense uniquement s’il choisit « enlever la couverture », et on la lui enlève. S’il n’est pas couvert : on le récompense uniquement s’il choisit « mettre la couverture », et on la lui met. Au début on peut l’aider en le plaçant au plus près du bon symbole. Quand c’est acquis on changera l’ordre d’affichage des symboles pour être sur que c’est acquis.
- On s’assure qu’il ait bien compris : on lui met une couverture très chaude, alors qu’il ne fait pas particulièrement chaud, et on lui demande au bout de quelques temps ce qu’il souhaite faire (s’il sélectionne « enlever la couverture », c’est bon, sinon c’est qu’on est allé trop vite). Puis on le laisse dehors au froid (pas trop longtemps quand même !!) pour vérifier qu’il demande bien à mettre sa couverture quand on lui demande ce qu’il veut.
Il sait maintenant ce que veulent dire les 2 symboles mettre et enlever la couverture. L’introduction du dernier symbole est assez simple : étant donné qu’il est renforcé positivement depuis le début, il devrait naturellement aller le toucher, il sera récompensé pour ça mais on ne modifiera pas son port de couverture (au bout de plusieurs répétitions il fera le lien).
A partir de là le cheval sera toujours récompensé quel que soit le choix qu’il fasse, la récompense supplémentaire venant du son confort thermique…nous sommes environ à J+14 et votre cheval peut vous dire s’il veut sa couverture ou pas !
Résultats sur les 23 chevaux
Un des chevaux a quitté l’étude. Voici les résultats des demandes des 22 chevaux restants :
Lors de journée ensoleillée (20 à 23°C)
- Les 10 chevaux qui portaient une couverture ont demandé à l’enlever
- Les 12 chevaux qui n’en avaient pas ont souhaité rester inchangé
Lors de journée pluvieuse (5 à 9°C)
- Les 10 chevaux qui portaient une couverture ont souhaité rester inchangé
- Les 12 chevaux qui n’en avaient pas : 10 ont demandé à la mettre, et 2 ont préféré rester sans
Lors de météo difficile (-12 à 1°C)
- Les 10 chevaux qui portaient une couverture ont souhaité rester inchangé
- Les 12 chevaux qui n’en avaient pas ont demandé à la mettre.
Cette étude prouve que les chevaux sont capables de communiquer avec nous et nous indiquer leurs préférences.
On sait que l’absence de contrôle de l’environnement peut conduire à des problèmes de bien être, et déboucher sur les problèmes de comportement. La possibilité de faire des choix participe au contrôle de l’environnement. Cette étude ouvre des perspectives incroyables pour chaque propriétaire qui peut permettre à son cheval de faire des choix, sur son mode de vie, sa nourriture, ses copains de paddock, le matériel utilisé pour le monter…et n’a de limite que notre créativité !
Sources :
- Briefer, S. (2010). Le stress chez le cheval. Le Franches-Montagnes, (100), 22-23. Tiré de https://www.agroscope.admin.ch/agroscope/de/home/publikationen/suchen/_jcr_content/par/externalcontent.external.exturl.html/aHR0cHM6Ly9pcmEuYWdyb3Njb3BlLmNoL2ZyLUNIL1B1Ymxpa2/F0aW9uP2VpbnplbHB1Ymxpa2F0aW9uSWQ9MjI3ODAmcGFyZW50/VXJsPSUyRmZyLUNIJTJGUHVibGlrYXRpb25zbGlzdGUlMkZJbm/RleE1pdGFyYmVpdGVyJTNGYWdyb3Njb3BlSWQlM0Q0Njc3.html
- Mejdell, C., Buvik, T., Jørgensen, G., H., M., Bøe, K., E. (2016). Horses can learn to use symbols to communicate their preferences. Applied Animal Behaviour Science, 184, 66-73. doi : 10.1016/j.applanim.2016.07.014